Violeau (Jean-Louis)
Les Architectes et Mai 68
Collection Focales
ISBN 978-2-86222-053-6/160 x 240/496 pages dont 16 pages d'illustrations N&B   38 €
2005

Disponible en édition numérique

« C’est une plongée dans le corps social des architectes qui est faite par l’auteur avec tous les instruments théoriques en sa possession, […] Ses concepts sont multiples et cohérents, leur profusion donne une énergie étrange qui convient au monde de l’architecture et en éclaire les acteurs. »
Ginette Baty-Tornikian, AMC-Le Moniteur n° 154


« La lecture de la première étude, sur cette génération de futurs architectes, les acteurs d’aujourd’hui (de Chaslin François à Nouvel Jean, de Ciriani Henri, à Portzamparc de Christian pour les architectes), dont les photographies du livre illustrent que c’était des gamins plus que des adultes, révèle à la fois les mécanismes en œuvre, mais aussi, curieusement, que le cours des choses était prévisible, voire attendu, du côté des institutions. »
Jérôme Auzolle, http://www.archicool.fr


« […] En chercheur scrupuleux et passionné, Jean-Louis Violeau « dépiaute » cette affaire en s’attachant à n’oublier aucun partenaire […] s’il est incontestable que l’architecture française a reconquis, grâce à une pléiade de créateurs brillants […] un prestige international qu’elle avait perdu, force est de constater que l’effervescence intellectuelle ayant rendu possible ce renouveau est, pour l’essentiel, retombée. »
Jean-Pierre Le Dantec, Vient de Paraître ADPF


« Voici un livre utile pour qui n’a pas connu cette histoire, et plein d’intérêt pour qui l’a vécue. […] Jean-Louis Violeau, à juste titre, balaie largement la période, du début des années 1960 à la fin des années 1970. […] Les analyses de Jean-Louis Violeau mettent bien en évidence les enjeux de cette période, ainsi que le rôle joué par les principaux acteurs dans les multiples épisodes qui ponctuent cette histoire. […] »
Jean-Paul Flamand, Urbanisme


« Sur cette solide base documentaire, J.-L. Violeau bâtit un récit à la fois dense et vivant […]. L’auteur décrit la formation des unités pédagogiques d’architecture, l’influence de certaines personnalités, le rôle des partis, l’évolution de l’enseignement et le développement de la recherche architecturale, les efforts pour promouvoir la qualité architecturale.
[…] les architectes n’ont […] ni changé la ville, ni changé la vie, mais ils ont contribué à construire une « nouvelle division du travail » en réclamant la généralisation des concours, la fin du mandarinat et en intellectualisant l’architecture. […] un passionnant tableau. »
Bulletin critique du livre français


« Voilà un travail précis et approfondi sur la genèse et l’impact de mai 68 dans un milieu donné, celui des architectes. […] Ainsi le mouvement de mai-juin 1968 apparaît comme une « convergence des crises » et un mouvement de « généralisation, politisation, radicalisation ».
[…] J.-L. Violeau insiste sur le fait que « ces affinités ne se nouent pas autour d’une communauté d’âge biologique, mais autour d’une communauté d’intérêts et de dispositions ».
[…] ce qui ressort de tout cela, c’est tout le long – sans être rectili-
gne – lourd et lent travail d’une partie de cette « génération » pour une autre architecture et un autre enseignement de celle-ci. »
Jean-Philippe Legois, Les Cahiers du Germe


« Un livre cruel et savoureux sur l’architecture lors des « événements ». […] La science historique peut avoir le bistouri bien sarcastique ! »
Jean Vermeil, Techniques & architecture

« Questionner la dimension idéologique d’une population est une tâche importante pour la sociologie de la culture. Elle contribue à dresser le portrait d’une société et se trouve traversée de débats et controverses spécifiques, liés notamment à ce qui peut expliquer la marche des idées pour reprendre le titre d’un ouvrage récent de François Dosse et à ce qui donne de l’enjeu aux rapports de pouvoir et à la définition des (bonnes) places. L’ouvrage de Jean-Louis Violeau, issu d’une thèse très documentée, participe de cet ensemble en faisant retour sur un moment et (certains de) ses protagonistes. Il participe à la fois d’une histoire du contemporain, de la sociologie d’une profession et de ses intellectuels, et d’une réflexion sur l’apprentissage d’un champ et ses conditions, notamment mémorielles. Il atteint ainsi pleinement l’objectif que se donne l’auteur de rassembler des faits dans une démarche socio-historique convoquant témoignages directs, archives institutionnelles et analyses de presse.
L’auteur côtoie de manière prolongée aussi bien les ouvrages que la vie des revues : il est dans le milieu, beaucoup plus que bien des architectes ! Essentiellement sur le mode d’une chronique, le lecteur assiste à l’enchevêtrement des ruptures actorielles, référentielles et générationnelles, ce qui donne consistance aux événements, ce qui fait qu’ils vont durer et s’imprimer. J.-L. Violeau ne procède pas à une histoire des concepts (qui poserait maints problèmes en ce qui concerne le champ de l’architecture) et privilégie une socio-histoire des engagements dans la cité. La culture romanesque de l’auteur convoque des références qui donnent de l’épaisseur à plusieurs récits de vie ou ambiances d’une époque. Un fond important de culture et de savoir est certes crucial pour écrire l’histoire intellectuelle, mais il n’est pas toujours aisé de le réinvestir dans l’écriture. Si l’ouvrage s’impose pour tout individu fréquentant les écoles d’architecture, il permet aussi de poser des questions relatives à ce qui donne la consistance à un courant, à ce qui produit de l’autorité et des références au sein d’un champ professionnel.
Violeau est plutôt wéberien lorsqu’il convoque les différents types d’autorité ou pointe que c’est l’effondrement de la croyance en la légitimité d’une domination (en l’occurrence l’ordre préalable aux années 1960) qui est le moteur de sape le plus puissant. Il est constructiviste, comme en témoigne la manière d’aborder la notion de génération et de travailler à montrer comment se constitue une génération chez les architectes : en l’occurrence, c’est la dimension intellectuelle qui va permettre son émergence, un intellectuel se définissant en fonction d’un héritage. En témoigne également la conclusion de la première partie, qui interroge la notion d’esprit de corps. L’appareillage intellectuel de l’auteur doit beaucoup à Pierre Bourdieu dont il reprend et utilise les notions de champ, d’habitus, l’analyse des lieux de sociabilité, des distributions de position, des homologies, des processus d’affiliation et de légitimation (structurant l’essentiel de la deuxième partie de l’ouvrage).
Cet ouvrage livre une compréhension de Mai 68 proche de celles qui en ont fait un analyseur de transformations déjà engagées, un accélérateur paradoxal de mutations (rien ne se ‘crée’ vraiment en 68, mais tout assurément s’y cristallise). Ainsi laisse-t-il une large place aux mouvements qui traversent les années 1970. Au début des années 1980, le contexte professionnel et idéologique est à la fois changé et permanent. L’événement est défini comme ce qui provoque une rupture dans la temporalité interne à chaque champ. Il se fait point de référence commun d’évolutions et de mutations qui devaient normalement s’ouvrir ou se clore en ordre dispersé. Il fait s’évanouir les médiations traditionnelles et c’est en ce sens que Mai 68 est documenté pour des architectes quittant la seule École des beaux-arts parisienne comme lieu de formation qui ne peut plus tenir, pour des raisons démographiques avant tout, une profession qui se voit appeler à de nouveaux enjeux très éloignés des fondements du corps et de ses différents rites, qui paraissent aujourd’hui incroyablement surannés…
On apprend beaucoup de choses de ces intellectuels de la profession qui forment le corpus de la recherche. Violeau fait amplement appel à eux. Non-architecte, il les connaît bien, les a fréquentés en école d’architecture – le principal observatoire que le sociologue se donne, sans exclusive puisqu’il utilise bien la médiation du champ éditorial qu’il définit comme le lieu où s’entrecroisent la compétence, l’engagement et la controverse. Il peut ainsi les suivre à la loupe via leurs différentes scènes d’apparition (prises de position, récompenses…).
L’analyse diachronique de leur position montre essentiellement le retour du refoulé : lorsque s’installent des unités pédagogiques dans la foulée de 68, auxquelles le ministre Malraux demande qu’elles fassent des propositions de structuration, on voit la force d’une jeune garde politisée (entre gauchisme et communisme, et cette différence se retrouvera toujours par la suite), plaçant l’acte de construire en position marginale pour privilégier la dimension sociologique, l’analyse institutionnelle, la critique aussi bien de l’idéologie bourgeoise de la création que de ce que Henri Lefebvre qualifiait de société bureaucratique de consommation dirigée. J.-L. Violeau en résume la teneur dans une formulation : La ‘révolution symbolique’ qui se joue tout au long des années qui précèdent 1968 combine donc une triple transgression : esthétique, éthique et politique, contre l’esthétique des Prix de Rome, l'éthique des chemins de grue et le conservatisme politique des patrons. […] Ce livre offre un très bon panorama des enjeux de l’enseignement et de la recherche, de leurs succès et apories. Le “réel” et l’urbanisme arrivent en force dans les années 1970 et c’est un changement radical eu égard à l’institution totale que sont l’Académie et l’Institut réglant concours et programmes dans l’ignorance totale des questions posées par l’époque (cependant l’émulation et la confrontation des travaux n’ont pas disparu du tableau de l’enseignement contemporain). J.-L. Violeau ne met pas tant l’accent sur les modalités de concrétisation de ces nouvelles forces que sur la spécificité des différentes unités pédagogiques, qui fonde encore la réputation ou l’image des écoles (dont l’importance du nombre à Paris tend à occulter les dynamiques qui se mettent en place ailleurs). Le ratage d’un rapprochement avec l’université est l’une des pertes sèches de l’histoire de cette période et l’on rejoint volontiers l’auteur lorsqu’il parle d’un enseignement perpétuellement en crise entre l’Université et la pratique. Les arrangements qu’amènent les différentes réformes témoignent autant de tentatives de reprise en main administrative du secteur que de stratégies claires visant l’amélioration des contenus. L’Institut de l’environnement a ainsi été porteur de promesses que ceux qui l’ont fréquenté ont, de fait, peu traduites dans leurs trajectoires.
[…] J.-L. Violeau fournit un travail passionnant relatif aux conditions d’apparition, de réception et de déclin de certains “courants”, en particulier celui de l’architecture urbaine qui voit se rencontrer un travail de lecture des formes architecturales et urbaines (avec la force des travaux d’une certaine école italienne lus avec “italophilie”) et une attention pour les modes d’habiter via le passeur Henri Lefebvre et l’Institut de sociologie urbaine. Dans la matérialisation de ce courant au sein de plusieurs villes nouvelles, on voit se composer des forces extérieures au champ intellectuel. La rue, la place, l’îlot sont “retrouvés” aussi à la faveur des conceptions giscardiennes de la bonne ville. Et l’on passe facilement de l’architecture urbaine au postmodernisme. Lorsque l’auteur reprend les analyses de P. Riboulet en conclusion, on pense en écho à la difficulté, pour l’architecture, de se tenir correctement, de manière réaliste et critique, dans la position qui est celle de rêver sérieusement (I. Joseph) : s’agit-il du fameux problème doctrinal qui obsède bien des architectes ? L’interaction entre formes et programmes reste toujours d’actualité pour éviter aussi bien l’aridité déprimante des espaces fonctionnels que la contorsion gratuite et débridée du formalisme (Riboulet, cité par Violeau, p. 414).
L’impressionnante documentation de ce travail en est presque une limite en ce sens que le lecteur souhaiterait à l’occasion une lecture et une interprétation plus synoptique. […]
Poursuivant son sillon de recherche, Violeau vient de publier, avec Juliette Pommier, Notre histoire. Europan à 20 ans (Archibooks, 2007), analyse d’une expérience permettant de revenir sur la condition de jeunes intellectuels partageant aujourd’hui la volonté de contribuer à la transformation spatiale. La connaissance des déterminations qui les agissent leur permettra-t-elle de s’en affranchir ? La question reste ouverte comme celle de savoir si la génération qui la précède lui ouvrira les portes en faisant converger ses comportements avec les valeurs qu’elle a pu promouvoir. » Laurent Devisme, Espaces et sociétés, n°134, mars 2008.