Secchi (Bernardo)
La ville du vingtième siècle
Traduit de l’italien par Anne Grillet-Aubert
ISBN 978-2-86222-064-2/123 x 180/248 p.   22 €
2009

Disponible en édition numérique

« En ce début de XXIe siècle, à l’heure où la population urbaine devient majoritaire dans le monde, Bernardo Secchi propose une réflexion ambitieuse sur la croissance et la transformation fulgurantes de la ville au cours du XXe siècle. […]
Une démarche d’architecte, non d’historien : l’ouvrage n’est pas une histoire méthodique et complète de la ville du XXe siècle, mais plutôt un essai théorique personnel. Un manque de rigueur dans la conduite du raisonnement nuit à la démonstration de l’auteur : on ne trouve pas de véritables introduction ni conclusion, pas non plus de problématique clairement énoncée. Le titre neutre du livre, La ville du vingtième siècle, souligne cette faiblesse. Mais l’approche pluridisciplinaire de l’auteur, croisant les références architecturales, urbanistiques, artistiques, littéraires et philosophiques est stimulante, et le contenu du livre est assez riche. […]
Bernardo Secchi centre son propos sur l’espace européen, à l’image des villes étudiées : Berlin, Amsterdam, Sienne, Genève, Copenhague, Stockholm, Helsinki... L’ouvrage porte ainsi davantage sur " la ville européenne du XXe siècle " que sur la " ville du XXe siècle ". Ce choix reflète le cheminement professionnel de Bernardo Secchi, architecte-urbaniste italien résolument européen : il a étudié et conçu des plans pour de nombreuses villes italiennes (Sienne, Bergame, Prato, Pesaro, Brescia) mais aussi pour Genève, Marseille, Rennes, Rouen et Anvers – architecte référent de Studio 09 pour la consultation internationale du " Grand Pari(s) de l’agglomération parisienne ", il a aussi réfléchi sur l’avenir de la métropole parisienne. Cet horizon européen est l’un des points forts du livre : l’auteur met en évidence l’existence d’une culture européenne du projet spatial, en éclairant les passerelles et influences réciproques entre urbanistes et projets spatiaux européens (cités jardins d’Ebenezer Howard, " villes du travail " de l’Union Soviétique, New Towns anglaises à partir des années 1950, villes nouvelles françaises dans les années 1970).
Le questionnement des rapports entre la ville, l’individu et la société constitue le fil rouge des trois récits. C’est la construction d’un projet de société (et notamment la définition du rapport entre liberté individuelle et liberté collective) qui nourrit et ordonne l’intervention sur la ville. Alors qu’on considère souvent que la réflexion et l’action des architectes et urbanistes ont peu de prise sur la croissance et la transformation de la ville, l’auteur souligne le rôle du projet urbanistique et architectural, au sein d’un projet social plus vaste, dans la fabrication de l’espace habité, à l’image des Hauts de Rouen, grand ensemble construit pendant les " 30 Glorieuses ". Les architectes et urbanistes contribuent même à la transformation de la société, notamment par la place fonctionnelle et symbolique centrale qu’ils accordent aux espaces communs. " Le projet de la ville devient, tout au long du siècle, une part importante de la construction de notre idée du Welfare et de notre idée de la liberté " , écrit Bernardo Secchi. C’est l’oeuvre de la " grande génération ", selon l’expression d’Henri Godard, réunissant différents champs artistiques, et composée notamment de Frank Lord Wright, Le Corbusier, Joseph Albers, Piet Mondrian, Laszlo Moholy-Nagy, Ludwig Mies van der Rohe et Walter Gropius. »
Rémi Curien, Quelle ville pour demain?, nonfiction.fr, février 2010.


« La ville moderne est-elle toujours porteuse d'un projet de société pour ses habitants ? Prend-elle en compte le bien-être individuel? À travers plusieurs exemples, Rouen, Sienne, Copenhague…, cet ouvrage nous livre les réflexions d'un urbaniste italien qui a conçu des projets pour plusieurs grandes villes européennes. » La Recherche, n° 441, mai 2010.

« Lorsqu'un éditeur vous propose d'écrire une "brève" histoire de la ville au xx' siècle, comment rendre compte des phénomènes d'urbanisation si complexes et multiples qui ont marqué le siècle passé? Bernardo Secchi, à qui a été dévolue cette lourde tâche' l'a envisagée en fonction des questions qui le préoccupent en tant que professionnel de l'urbanisme. Il s'intéresse au passé des villes dans le cadre de sa pratique du projet urbain et de son enseignement qui l'ont conduit à concevoir l'histoire urbaine comme le reflet et le moteur des agglomérations. Ainsi l'ouvrage achevé n'a-t-il rien d'un livre d'histoire des villes. On n'y trouve ni découpage géographique, ni stricte chronologie, ni approche prosélytique de modèles spatiaux. Bernardo Secchi a cadré son récit sur la "ville européenne" - même si certaines problématiques abordées ont des portées plus larges -, comme s'il ne souhaitait commenter que ce qu'il connaît parfaitement, voire uniquement ce qu'il a parcouru. Sa position hors champ de l'histoire fait tout le sel de l'ouvrage, composé à l'image de la ville telle qu'il la conçoit, "stratifiée et hétérogène de toutes ces choses superposées et mêlées". Chapitres, études de cas et cahiers graphiques s'empilent et cohabitent avec une certaine indépendance. Trois récits distincts composent la publication. Le premier porte sur la croissance et la dissolution de la ville. Secchi s'interroge sur les origines de l'étalement spatial des villes euro péennes. Il essaye d'identifier les causes politiques et de reconnaître les projets d'urbanisme à l'origine de la concentration puis de la dispersion territoriale progressive des villes. Le deuxième récit évoque la fin de la ville moderne. taccent est mis sur une génération de grands architectes urbanistes actifs pendant l'entre-deux-guerres, portés par des utopies et des idéologies fortes, qui ont cru que la conception de la ville allait avec la constitution d'une société. nouvelle et d'un homme nouveau. Le dernier récit s'attarde sur les rapports entre la ville, l'individu, la société et les politiques de l'État providence, principalement dans la seconde moitié du xx' siècle qui a vu la montée à la fois des politiques sociales et de l'individualisme. Parallèlement à ces trois histoires, des fiches descriptives viennent à l'appui de ses raisonnements. Sienne, les Hauts de Rouen, Milton Keynes et la région géographique qui va d'Amsterdam à Bruxelles en passant par Anvers et Rotterdam (région dite la North Western Metropolitan Area) sont autant d'exemples qui incarnent pour Secchi les caractéristiques et les enjeux de la ville européenne du XX' siècle: les centres-villes historiques, les grands ensembles, les villes nouvelles et la ville territoire dispersée et privée de centre. touvrage présente un certain nombre de positions et d'interrogations politiques et sociales qui appellent, du dire même de l'auteur (on ne peut qu'agréer vu la concision des développements), de nouvelles réflexions et recherches. La thèse principale de Secchi est que l'histoire de la ville européenne du xx' siècle et son étalement urbain ont profondément été influencés par les transformations sociales portées par les États démocratiques de ce continent, associées à l'émergence d'un individu européen à la fois plus libre et responsable mais aussi produit de conformisme et d'avidité consumériste. En quoi ce projet social a-t-il été positif? Si Bernardo Secchi reconnaît bien des vertus au projet de l'État providence, il dénonce aussi les travers des politiques urbaines du xx' siècle et les villes qu'ils ont engendrées: leur fragmentation et banalisation progressives d'une part et la bureaucratisation rampante d'autre part. Il constate enfin que la démocratisation de l'espace urbain conduit à un espace que ni la société, ni l'individu, ni le groupe ne parviennent plus à maîtriser. Comment éviter alors que la machine urbaine, malgré ses projets progressistes, ne devienne un outil d'exclusion, de ségrégation? Avec l'altérité, c'est certainement la question qui préoccupe le plus aujourd'hui Bernardo Secchi et Paola Vigano dans leur pratique quotidienne d'urbanistes. » Thierry Mandoul, Archiscopie, n° 98, novembre 2010.