L’histoire des Editions Recherches commence en 1965 par la création de la revue Recherches. Regroupé autour du philosophe et psychanalyste Félix Guattari, un courant intellectuel et politique minoritaire, transversal aux courants communiste, anarchiste, socialiste, affirme poursuivre dans le quotidien l’engagement pris dans les luttes d’indépendance nationale. Il s’agit de construire une alternative multiple à l’enfermement de la folie par les institutions psychiatrique, scolaire, policière, judiciaire… Ce réseau militant cherche à élargir la brèche ouverte par la psychothérapie institutionnelle aux lendemains de la seconde guerre mondiale. Il travaille par groupes affinitaires et thématiques. La revue Recherches est l’organe de la Fédération des groupes d’études et de recherches institutionnelles (FGERI).
Mais comment trouver les moyens matériels et financiers d’étendre le réseau au-delà des bonnes volontés individuelles ? Des experts en santé publique, qui ont participé au numéro 6, Architecture, programmation et psychiatrie, conseillent de créer un bureau d’études, qui vendra aux institutions des idées susceptibles de les aider à se réformer. Le CERFI (Centre d’études, de recherches et de formation institutionnelles) est fondé en 1967. L’année 1968, les membres du CERFI participent au Mouvement du 22 Mars.

     

Dès 1969, le CERFI se développe comme collectif de travail autogéré et ouvert. Des contrats sont trouvés par relations. Et, ô miracle, le Ministère de l’Equipement trouve dans le numéro 6 des idées pour son projet de villes nouvelles. Il s’ensuit une période contractuelle un peu euphorique dans laquelle désirs des membres du CERFI et attentes des jurys d’appels d’offres s’enlacent dans la production de recherches originales. La revue publie les rapports comme autant de livres collectifs. Se constitue pour chaque numéro un groupe de travail hétérogène qui rebondit de là vers de nouvelles aventures.

     

Fort de son succès, le CERFI se disperse selon diverses pistes. Introduire inlassablement de la folie dans la place pour y maintenir sa ligne de fuite conduit à des dérives, inacceptables pour certains, mais aussi à des fulgurances sidérantes et admirées, tel le numéro 12 Trois milliards de pervers, interdit pour cause d’obscénité, et rédigé avec le Front homosexuel d’action révolutionnaire.

     

Jouer sur la scène des sciences humaines demande au contraire de la rigueur, du labeur, de la dignité, nouvelles valeurs qui prennent leur essor avec l’élection à la présidence de la République de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Fini de rire, de créer, de batifoler. Le cartel des groupes du CERFI tire ses dernières cartouches jusqu’aux années 1980. Mais déjà le cœur n’y est plus. Critiqué dans ses engagements par certains membres du CERFI, Félix Guattari, qui travaille et crée avec Gilles Deleuze, prend de la distance et fonde avec Mony Elkaïm le réseau Alternatives à la psychiatrie, que prolongera la revue Chimères.

     

Surtout l’argent ne suit plus, il est redirigé par l’Etat vers l’horizon néo- libéral et l’individualisme compétitif. Les membres du CERFI, négocient des insertions sociales diverses, selon les passions des uns et des autres. La revue se transforme en collection de livres, les groupes de travail en auteurs. La passion éditrice de Florence Pétry, secrétaire de rédaction de la revue, perdure dans les Editions Recherches qui naissent de cette transformation. De nouvelles coopérations se nouent, ponctuelles ou durables. La recherche urbaine insiste, architecturale, sociale, esthétique. Et du tronc des éditions Recherches se détache une maison d’édition littéraire et poétique, La chambre d’échos, animée par Florence Pétry et ses amis.

Anne Querrien, secrétaire générale du Cerfi


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